- VARNA (NÉCROPOLE DE)
- VARNA (NÉCROPOLE DE)VARNA NÉCROPOLE DEL’occupation néolithique des Balkans est connue par un très vaste cimetière, découvert en 1972 à Varna (Bulgarie) et daté du IVe millénaire avant notre ère. Des fouilles ont été menées par M. Lazarov et I. Ivanov de 1972 à 1979 mettant au jour trois cents tombes sur une superficie de 3 500 mètres carrés. L’étonnante originalité des pratiques funéraires et la richesse exceptionnelle du mobilier des tombes en font l’une des découvertes les plus importantes et les plus spectaculaires de la préhistoire de cette région.Les tombes sont pourtant d’un type connu. Comme il est normal à cette époque, ce sont de simples fosses rectangulaires, creusées dans la terre et dépourvues d’aménagements particuliers. Elles présentent cependant des traits spécifiques: leurs angles sont arrondis au lieu d’être droits, leur longueur (2 m) est supérieure à celle des tombes habituelles (1 m), et elles sont implantées selon deux directions prédominantes au lieu d’être disposées de façon irrégulière. Les morts qui sont, comme partout, inhumés sont disposés de diverses façons. Certains sont couchés sur le côté, en position fléchie, avec les jambes pliées. Cette position, que l’on retrouve dans la plupart des tombes néolithiques des Balkans, n’est toutefois pas très fréquente à Varna. Dans la majorité des cas, au contraire, les morts sont couchés sur le dos en position allongée: c’est une pratique dont on connaît quelques rares autres exemples (Képhalovrysso, en Thessalie, mais surtout dans le nord-est de la Bulgarie, à Deunja par exemple), mais qui n’est nulle part aussi courante qu’à Varna. Dans d’autres cas, enfin, la tombe ne contient aucun squelette, mais un mobilier identique à celui des tombes ordinaires, disposé de la même façon. Quelques-uns de ces cénotaphes présentent même, à la place du mort, une effigie d’argile, modelée sur le sol et parée de bijoux d’or comme le serait un mort véritable; certains de ces bijoux, en outre, servent à souligner les traits de ces visages de terre. C’est là un dispositif dont — malgré la présence de quelques cénotaphes dans les Balkans — on ne connaît pas d’autre exemple.Les objets de parure, que l’on a retrouvés à leur place sur les squelettes ou sur les effigies, sont extrêmement nombreux et d’une très grande richesse: diadèmes, bracelets, anneaux, colliers, pendentifs géométriques, zoomorphes et anthropomorphes, dont la plupart étaient probablement cousus sur les vêtements. Les types représentés sont très divers et beaucoup apparaissent là pour la première fois. Ils sont souvent faits de matériaux précieux: coquille de spondyle ou de dentale, pierres choisies pour leurs couleurs particulières, et surtout or. Beaucoup d’autres objets accompagnent également les morts: vases de pierre ou de céramique, à décor peint au graphite ou même à l’or, outils de silex, haches de pierre ou de cuivre, ciseaux, alênes et poinçons en cuivre, mais aussi armes d’apparat et instruments ressemblant à des sceptres. L’abondance de l’or est remarquable.Ces découvertes posent de nombreux problèmes d’interprétation. C’est d’abord la fréquence des inhumations allongées que l’on parvient mal à expliquer. Même si l’on en connaît quelques exemples au Néolithique dans les Balkans, elle paraît bien caractéristique d’une région précise, le nord-est de la Bulgarie, et d’une période précise, la fin de l’époque néolithique. On peut y voir l’influence d’éléments «steppiques», venus peut-être d’Ukraine, mais on n’en trouve guère de traces dans les régions intermédiaires. Ce type d’inhumation a peut-être une motivation sociale ou religieuse qui nous échappe: en effet, ce mode de sépulture paraît réservé aux hommes. Mais il n’est peut-être pas nécessaire de lui chercher une explication: les pratiques funéraires varient souvent sans raison apparente.Le nombre de cénotaphes, d’autre part, est sans équivalent à la même époque. On a proposé d’y voir les tombes symboliques d’une divinité de la régénération, mais cette interprétation reste tout à fait hypothétique. Peut-être faut-il simplement y reconnaître de véritables cénotaphes, c’est-à-dire des tombes à la mémoire de morts que l’on n’a pas pu enterrer chez eux; l’effigie dans ce cas servirait de substitut au corps et la présence d’un mobilier comparable à celui des tombes ordinaires, et disposé de la même façon, s’expliquerait assez logiquement. Mais cela n’explique pas pourquoi ce type de tombe est si fréquent à Varna.L’abondance de l’or, enfin, est difficile à interpréter. Sans doute la présence du métal précieux n’est-elle guère remarquable en elle-même, puisqu’il est assez souvent employé, pour la fabrication de certains objets, par les populations néolithiques du sud-est des Balkans (dans l’aire de la civilisation de Goumelnitsa). Mais aucun site d’habitat ni aucun cimetière n’en a livré autant que Varna. Faut-il donc supposer que les habitants de ce lieu ont exploité eux-mêmes des gisements particulièrement riches ou qu’ils ont accumulé ces biens aux dépens d’autres groupes humains? Il est encore impossible de le dire.La société néolithique de Varna, en tout cas, n’était certainement pas égalitaire, si l’on se fie aux différences qui apparaissent dans le mobilier des tombes. Alors que la plupart d’entre elles ne contiennent qu’un nombre limité d’objets, certaines n’en renferment aucun et quelques-unes en recèlent un très grand nombre. Ces inégalités sont en outre modulées en fonction du sexe: parmi les tombes riches, les plus riches sont toutes des tombes d’hommes; la même constatation peut être faite dans tous les cimetières connus du nord-est de la Bulgarie. Il se peut enfin que ces hommes au statut social privilégié aient été des chefs locaux ou même régionaux: les objets évoquant des spectres sont peut-être les insignes de leur autorité.
Encyclopédie Universelle. 2012.